Le projet de construction du nouveau pont fixe de Bizerte représente bien plus qu’une simple infrastructure de transport. Il incarne une transformation profonde qui pourrait, à terme, redéfinir l’identité de la ville, tout en répondant à des besoins économiques et sociaux.
Le pont fixe de Bizerte est actuellement l’un des plus grands projets en chantier, avec le Réseau ferroviaire rapide du Grand Tunis (RFR), mais aussi la station de dessalement de l’eau de mer de Sfax qui vient de produire les premières quantités d’eau potable. Au-delà de leur impact socioéconomique, ce genre de projets peut rétablir la confiance des citoyens en la capacité de l’Etat à investir dans les infrastructures et améliorer leur quotidien.
Dernièrement, Sichuan Road and Bridge Group (Srbg) , le groupe chinois qui s’est vu attribuer la réalisation de la tranche principale du projet du nouveau pont de Bizerte, a reçu le feu vert pour démarrer les travaux. Le directeur général adjoint de l’antenne tunisienne de ce géant chinois, Chen Junfeng, a affirmé que l’ensemble du projet prendra au total 1140 jours et sera achevé le 2 septembre 2027. C’est on ne peut plus clair !
Ce nouveau pont s’étendra sur une distance de 9,5 km et coûtera quelque 750 millions de dinars. Ce montant est revu récemment à la hausse à plus d’un milliard de dinars. La première tranche de cette phase consiste à relier l’autoroute A4 à la ville de Menzel Abderrahmane et Aïn el Kbira. Le pont principal, lui, s’étend sur une longueur de 2,1 kilomètres et est destiné à surplomber le canal de Bizerte, facilitant ainsi le passage des navires. Cet ouvrage monumental s’inscrit dans une vision plus large de connectivité et d’amélioration de la mobilité urbaine et régionale.
Concernant ses aspects techniques, il s’agit d’un pont de type double avec une structure métallique et un revêtement en béton armé composé de 19 travées, dont trois s’étendent sur le canal de navigation sur une longueur d’environ 900 mètres, avec une hauteur d’environ 56 mètres au-dessus de la mer, permettant le passage de tous types de navires. Ce projet vise à créer un lien continu entre l’autoroute et la ville de Bizerte, tout en renforçant l’attractivité de la région, son ouverture sur son environnement et sa bonne intégration dans l’économie nationale.
Le financement du projet est assuré, rappelons-le, par une combinaison de crédits provenant de la Banque européenne d’investissement (BEI), de la Banque africaine de développement (BAD), ainsi que d’une contribution directe de l’État tunisien de 35 millions d’euros.
Une réponse durable à un problème chronique
Bizerte, avec sa position stratégique entre la Méditerranée et le lac de Bizerte, a longtemps souffert de problèmes récurrents de bouchons. Le pont mobile actuel est devenu un véritable goulot d’étranglement. Ses ouvertures fréquentes pour laisser passer les navires entraînent des embouteillages chroniques, affectant le quotidien des usagers et entravant même le développement économique de la région. Le nouveau pont fixe, avec une hauteur de tablier adaptée pour permettre le passage des navires sans interruption du trafic routier, promet de résoudre donc ce problème.
Le pont fixe devra faciliter non seulement la circulation des biens et des personnes, mais renforcera également la connexion entre Bizerte et le reste du pays. Cela devrait attirer de nouveaux investissements, stimuler le tourisme et faciliter l’accès aux zones industrielles de la région. En conséquence, Bizerte pourrait vivre une renaissance économique avec le renforcement de son attractivité.
La construction du pont fixe est en passe également de transformer le paysage urbain de la ville du Nord. Ce nouveau point de repère moderne pourrait devenir un symbole de Bizerte, marquant son entrée dans une nouvelle ère. Par ailleurs, la reconfiguration des infrastructures environnantes, y compris les routes et les espaces publics, pourrait améliorer la qualité de vie des habitants et donner un nouvel élan à l’urbanisme local.
Quid de l’avancement des travaux ?
Selon le groupe chinois, le feu vert pour le démarrage des travaux a été reçu du gouvernement tunisien à la mi-juillet, cependant, les travaux du projet dans sa globalité ont démarré depuis plus d’un an, notamment pour ce qui concerne le premier tronçon qui consiste à relier l’autoroute A4 à la ville de Menzel Abderrahmane et Aïn el Kbira.
Pour le pont en question, les travaux devront commencer dans quelques jours, comme le confirme Ihssan Zerai, secrétaire général de l’antenne de l’Ordre national des ingénieurs tunisiens à Bizerte. « Le taux d’avancement des tronçons 1 et 3 qui portent sur la liaison du réseau routier nord et sud est estimé à 45%. Pour ce qui est de la construction du pont, les travaux vont démarrer dans quelques jours, comme l’a annoncé le groupe chinois pour une durée d’environ trois ans », a-t-il expliqué à La Presse.
En effet, ces deux tranches sont en cours de réalisation par des entreprises tunisiennes. La première tranche porte sur les travaux de liaison Sud et Ouest de la région, à travers la réalisation d’une autoroute longue de 4,7 km équipée de 3 transformateurs à l’intersection de la route nationale 8 et de l’autoroute A4. Une autoroute qui constitue le point de départ du projet, depuis l’entrée du pôle technologique jusqu’à l’entrée de la ville de Menzel Abderrahmane, tandis que la troisième tranche, liée à la liaison Nord, consiste en la réalisation d’une autoroute de 2,7 km, avec l’édification d’un transformateur au niveau de la route Nationale 11 menant à Menzel Bourguiba.
L’ancien port restera fonctionnel
Ihssan Zerai rappelle que plusieurs séances de travail ont été tenues au sein du gouvernorat de Bizerte, portant sur le suivi de l’avancement du projet. S’agissant du sort du pont mobile de la ville, notre interlocuteur explique que des travaux de rénovation et de modernisation de ses mécanismes ont été effectués, dans la mesure où ce désormais ancien pont restera fonctionnel, même après l’inauguration du nouveau pont fixe. « Ce pont reste un atout majeur pour séduire les investissements industriels et touristiques, car c’est un ouvrage très important avec un financement public conséquent», a-t-il encore ajouté, appelant à revoir les plans d’aménagement dans certaines zones résidentielles de la ville.
Rappelons enfin que Sichuan Road & Bridge Group est une société chinoise créée le 28 décembre 1999 dont l’activité principale est la conception, l’investissement, la construction et l’exploitation d’infrastructures de transport. La plupart des activités de l’entreprise se déroulent en Chine. Mais elle réalise également des travaux en Érythrée, en Norvège, en Tanzanie, au Cambodge et aux Émirats arabes unis…